Analyse de la crise immobilière : L'immobilier en difficulté face à une situation explosive | Tribune hebdo - L'actualité du Loiret et de l'Indre et Loire
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Analyse de la crise immobilière : L’immobilier en difficulté face à une situation explosive

Analyse de la crise immobilière : L’immobilier en difficulté face à une situation explosive

Lorsqu’il évoque la crise immobilière, le ministre délégué au Logement parle lui-même de bombe sociale. C’est dire l’urgence de la situation, dont Olivier Klein, nommé en juillet 2022, a parfaitement conscience. Depuis des mois, assailli par tous les professionnels du secteur, il rame dans un océan d’écueils.
Laurence Boléat
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Le ministre l’affirme haut et fort, ça bosse dur en haut lieu pour tenter de redonner tout son sens au fameux adage du maçon député Martin Nadaud, « Quand l’immobilier va, tout va ». Pour l’instant, c’est plutôt la déconfiture qui plane sur le marché du neuf et de l’ancien, à commencer par les chiffres alarmants des professionnels du bâtiment qui annoncent 100 000 emplois détruits dans le BTP d’ici 2025 si rien n’est fait. Lors de sa conférence de presse du 12 avril, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, s’énervait : « On ne pourra pas dire que la FFB n’a pas prévenu assez tôt, ça fait déjà deux ans que nous tirons la sonnette d’alarme… Maintenant, il faut réagir, il faut des mesures immédiates ! »

À l’appui de cette demande expresse faite aux autorités, des résultats sans appel : chute des permis de construire depuis trois ans, suivie d’une baisse de 30 % sur la construction individuelle et de 16 % sur le logement collectif en 2022. Et la dégringolade continue depuis le début de l’année 2023. Pour la FFB, il est déjà presque trop tard : avec l’inertie, la crise dans le neuf s’annonce gravissime.

En cause, une multitude d’événements qui s’additionnent cruellement pour tout un secteur d’activité jouant pourtant le jeu du verdissement souhaité par les pouvoirs publics. D’abord une augmentation des coûts de construction de l’ordre de 7 % pour atteindre la norme énergétique RE2020. Ensuite, l’inflation sur les matériaux et l’énergie. Un observatoire des prix des matières premières a d’ailleurs été mis en place à Bercy en partenariat avec la FFB pour comprendre « en vrai » comment le bois ou les matériaux ferreux ont pu connaître une telle hausse. Enfin, l’augmentation des taux d’intérêt qui diminue de facto la capacité d’emprunt des acquéreurs, lorsque ces derniers ne sont pas confrontés à un refus pur et simple de leur banquier, en raison des taux d’usure, du taux d’endettement ou du risque jugé trop élevé sur leur dossier. En résumé, des permis qui baissent, des prix de logements qui augmentent, des acquéreurs exsangues, des banquiers frileux, tout est réuni pour gripper la machine et provoquer des fermetures en cascade de sous-traitants, avant d’atteindre les donneurs d’ordre.

Syndicats et fédérations vent debout

Un malheur n’arrivant jamais seul, Olivier Klein a reçu d’autres doléances, émanant des deux principaux syndicats immobiliers du logement ancien. En janvier, la FNAIM annonce la couleur : 40 % des adhérents syndics de copropriété interrogés enregistrent un retard de paiement des charges en fin d’année 2022. Deuxième point : l’absence de rotation dans le logement locatif, conséquence directe de la baisse d’accès au crédit. Résultats, des candidats à la location plus nombreux pour des biens de plus en plus difficiles à trouver. Pour le syndicat, l’année 2023 doit, enfin, être celle du logement…

Malgré tout, rien n’a bougé, et face au manque de réaction de l’État, le président du SNPI a ensuite écrit le 17 avril au ministre, listant un nombre impressionnant de maux administratifs et financiers auxquels est confrontée la profession, évoquant la baisse des ventes et la dépréciation des valeurs immobilières, et par conséquent l’appauvrissement des ménages ayant pourtant investi « en bon père de famille » dans leur patrimoine immobilier. Alain Duffoux, à la tête du SNPI depuis vingt-huit ans, fustige aussi la loi climat et résilience, qui entraîne la perte irréversible de logements, contraints de sortir du parc locatif en raison de leur classification énergétique, avant de finir par cette injonction qui sonne comme une remontrance de professeur à élève : « On prépare les outils, on forme les personnels et après, on vote la loi. » 

Le prêt à taux zéro maintenu

En réponse, le gouvernement d’Élisabeth Borne a enfin réagi le 26 avril, soulageant provisoirement son ministre du Logement. Première mesure, alors qu’il devait s’arrêter, le maintien du prêt à taux zéro après 2023. Pour autant, les nouvelles conditions restent à définir, comme si le temps avait manqué pour réfléchir… Autre piste, mettre la pression sur les banques pour qu’elles acceptent d’endetter davantage les ménages. Pour cela, Bruno Le Maire et Olivier Klein tentent de convaincre les prêteurs, prudents par nature, mais aussi par expérience. « La responsabilité des banques est d’accompagner l’économie de leurs pays et la construction de logements… » martèle le ministre, espérant une deuxième victoire après avoir fait accepter à la Banque de France le principe d’un changement du taux d’usure mensuel plutôt que trimestriel (mesure en test jusqu’en juillet). Olivier Klein espère aussi débloquer des projets pour la construction de 20 000 logements, avec l’aide de la Caisse des dépôts et consignations et d’autres acteurs institutionnels. Des projets trop chers, qui ne trouvent pas d’acquéreurs en raison d’une inflation qui grève la construction et mine le budget des consommateurs. Une logique infernale dont il semble bien difficile de sortir.

 

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