À l’occasion de la rencontre régionale des Libres Savoirs qui s’est déroulée à Tours fin juin, la Région a dévoilé les résultats d’une enquête inédite par son ampleur sur l’illettrisme et l’illectronisme en Centre-Val de Loire. Et les résultats sont tout à fait éloquents et surtout « extrêmement fiables » en raison de la méthodologie mise en œuvre qui s’appuie sur 1 675 témoignages. Par ailleurs, l’enquête a nécessité six mois de travail de terrain en porte-à-porte, ce qui démontre le sérieux de l’étude et garantit la fiabilité des résultats qui font apparaître un taux de 10 % des habitants de la région qui seraient touchés par l’illettrisme, soit plus de 150 000 personnes ! Alors que selon la dernière grande étude nationale – qui date déjà de 2011 – la moyenne serait plutôt de l’ordre de 7 % de la population au niveau national. Ce qui permettrait d’affirmer que la région Centre-Val de Loire est davantage touchée. Mais, un, l’étude nationale est si ancienne qu’une nouvelle enquête réactualisée donnerait peut-être aussi des résultats différents au plan national ; et deux, les résultats régionaux sont peut-être plus élevés parce que la méthode de l’enquête de terrain employée est aussi plus précise et complète, le nombre important d’entretiens réalisés permettant d’avoir des résultats plus fournis et fiables qu’au niveau national. Comme l’explique très bien Jean-Patrick Gille, vice-président de la Région délégué à l’Emploi, à la Formation Professionnelle, à l’Orientation et à l’Insertion, « les résultats dans ce type d’enquête sont difficiles à obtenir car les personnes ont tendance à se cacher puisque l’illettrisme est malheureusement souvent associé à un sentiment de honte. Il faut déjà que les personnes soient repérées puis vient l’étape où elles acceptent de se confier, ce qui est tout aussi difficile à obtenir, c’est pour cela que l’enquête que nous avons menée est une étape importante dans la prise en compte de ces phénomènes contre lesquels il faut lutter… » Ce qui ne semble pas être une priorité au plan national car sans enquête menée depuis douze ans, il est difficile d’avoir un diagnostic sérieux de la situation en France en 2023.
10 % de personnes illettrées et 6 % en situation d’illectronisme
Au moins la Région s’est donné les moyens d’avoir une cartographie du phénomène sur son territoire. Outre la proportion de la population touchée, l’étude révèle aussi que l’illettrisme touche plus d’hommes (56 %) que de femmes (44 %) et que 50 % des personnes concernées sont en emploi, ce qui démontre que l’on peut occuper certains emplois même quand on ne maîtrise pas la lecture, l’écriture ou le calcul. On apprend aussi que le phénomène touche davantage les territoires les plus ruraux et les quartiers prioritaires de la ville, il est donc très présent dans les deux métropoles de Tours et d’Orléans. Pour autant, on ne peut pas dresser un classement par départements car l’échantillon de 1 675 personnes, s’il est représentatif au niveau régional, ne l’est pas département par département. Il faudrait un échantillon de même importance dans chaque département pour qu’une telle enquête soit aussi fiable.
Autre aspect abordé par l’enquête, l’illectronisme, c’est-à-dire les difficultés, voire l’incapacité totale ou partielle, à utiliser les outils numériques ou informatiques omniprésents et indispensables dans nos vies. L’enquête fait apparaître deux données importantes : 14 % des gens interrogés déclarent avoir de fortes difficultés dans les usages numériques, et 6 % de la population de 18 à 65 ans est en situation d’illectronisme au vu du panel des personnes interrogées, ce qui représente tout de même 92 000 habitants en Centre-Val de Loire. Ce taux est donc inférieur au taux d’illettrisme. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il est possible d’utiliser un smartphone par exemple sans maîtriser la lecture ou l’écriture, grâce aux applications utilisant la commande vocale. Autre donnée importante qui peut permettre d’orienter des actions de lutte contre ce phénomène : 20 % des personnes qui en souffrent vivent dans des petites villes de moins de 2 000 habitants.
Un plan d’action à la rentrée
Au-delà des nombreuses données qu’elle révèle, « cette étude nous conforte dans l’idée de renforcer le volet formations qui prendra toute sa part dans le prochain plan de lutte contre l’illettrisme prévu sur les quatre prochaines années », précise Jean-Patrick Gille. Pour cela la Région propose des modules de formation, les visas Libres Savoirs, qui délivrent les compétences de base. Mais elle s’appuie aussi sur un réseau d’associations et d’organismes partenaires qui accompagnent les personnes en difficulté dans leur apprentissage. Par rapport à d’autres régions, le Centre-Val de Loire est plutôt à la pointe, avec six centres ressources, les CRIA (Centres de ressources sur l’illettrisme, l’analphabétisme et le français langue étrangère), soit un par département, qui soutiennent le réseau les associations engagées dans la lutte contre l’illettrisme et les 26 espaces Libres Savoirs répartis sur tout le territoire régional.
La Région a donc décidé de développer encore les dispositifs permettant aux personnes volontaires d’accéder à ces compétences de base. Le plan d’action contre l’illettrisme sera présenté à la rentrée pour renforcer encore la lutte contre ce « fléau régional » à défaut d’être « cause
nationale » !
