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Shoï Lorillard : Bonnes ondes
Portrait

Shoï Lorillard : Bonnes ondes

De son nom d’artiste Shoï Extrasystole (comme une arythmie cardiaque), cet Orléanais surfe sur les ondes sonores, les capture et les transforme. Nous l’avons retrouvé dans la galerie du Théâtre, tandis qu’il installait l’exposition AAA, dans le cadre des Performances de la Scène Nationale.
Ambre Blanes
20/08/1966 : Naissance à Orléans
2015 : Première résidence pour le Dôme de Nançay
Mars 2020 : Propose une exposition aux Performances de la Scène Nationale d'Orléans

Né à Orléans, Shoï, de ce petit surnom donné par les copains d’école, sait où sont ses racines. « J’ai toujours eu une adresse, un point d’attache à Orléans, même si j’ai beaucoup voyagé. Ma famille est ici », dit-il. C’est là, aussi, qu’il est tombé dans la musique. Il raconte : « des copains avaient besoin de quelqu’un pour jouer de l’orgue électrique dans un groupe, donc j’ai dit oui. Et j’ai appris sur le tas ! » À la fin des années 80, il se tourne ainsi vers le punk, le garage rock et la musique industrielle puis, au milieu des années 90, monte un projet associatif qui deviendra par la suite l’Astrolabe, salle mythique dans laquelle il aura travaillé dix ans. En générant des créations entre des musiciens qui ne se connaissaient pas, il pose le pied dans ce qui deviendra sa passion majeure : l’hybridation, la recherche et l’expérimentation sonore.

Shoï compose aussi, dans ce temps-là, avec sa vie de professeur de français Langues Étrangères et d’accompagnement à l’alphabétisation. Toutefois, il n’a aucun scrupule à tout quitter en 2009 pour se mettre à fond dans la musique. « Je m’étais comme mis entre parenthèses pendant dix ans », confie-t-il. Des troupes de théâtre, de danse ou des organisateurs d’exposition le contactent alors pour qu’il fasse vivre l’image grâce à une scénographie sonore. Il crée aussi de la bande-son de ciné-concert. Enfin, il s’adonne au développement de sa propre musique, grâce au boum des home studios, avec une nouvelle méthodologie moins instrumentale, le sampling, enrichi d’enregistrements. Il définit ce travail de la sorte : « Partout où je vais, je traîne mon micro. J’enregistre les sons que l’homme produit et son environnement, puis je retravaille le tout pour en faire de la matière sonore, naturaliste et humaniste, mais complètement déstructurée. C’est un matériau brut que je sculpte ». 

« Je m’étais comme mis entre parenthèses… »

Dans notre société contemporaine, les humains remplissent le vide pour parer l’angoisse du silence et se coupent de leur environnement par des actions anecdotiques, de l’ordre du réflexe. Shoï est bien placé pour savoir que la technologie a trop de présence car, lors de ses déambulations, les ondes téléphoniques s’enregistrent et créent de petites interférences, brouillant le contenu, acoustiquement et technologiquement… Puis, nous découvrons ses Topophonies, des vignettes sonores disponibles sur le site de l’artiste. Elles sont toujours liées à une image, comme le regard que Shoï porte sur la bande-son. 

Tout proche du cosmos

En 2015, Cyril Courte, artiste passionné d’astronomie, est approché par la station d’écoute de Nancay pour créer une œuvre plastique destinée à la médiation sur le travail de l’astrophysique, placée à côté d’un nouveau champ d’antennes. Cyril contacte Shoï pour l’habillage sonore du Dôme. Ce dernier a immédiatement une idée : ne pas mettre de haut-parleur, mais laisser la structure vibrer d’elle-même. En extérieur, elle projette alentour des sons d’événements cosmiques. D’où la contrainte inhabituelle : « c’est saisissant d’entendre des sons qui nous dépassent, dit Shoï. Mais il faut pouvoir composer en rendant l’ordonnancement général du cosmos, sans dénaturer la logique entre les éléments du système solaire ». La Scène Nationale est venue le chercher suite à sa résidence à Labomedia. En plus des prototypes exposés dans AAA, il a été convenu d’un temps de performance, le dimanche 10 mars, à 19h, au Théâtre. 

La musique occupe aujourd’hui quasiment tout l’emploi du temps de Shoï. « Le reste, je le passe à partager avec des humains, affirme-t-il. Je lis toujours mais beaucoup moins, je me suis immergé dans le polar français. J’y trouve un regard sociétal en biais, aigu, très juste ». Même au travers de ses lectures, Shoï cherche l’immersion. Alors que nous le quittons, nous lui demandons s’il écoute toujours de la musique sans l’étudier, type les Pink Floyd et – curieux hasard – résonne soudain dans le Café du Théâtre le titre We don’t need your education. Il faut croire que nous étions branchés sur la bonne fréquence de l’univers…

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