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Chronique d’une erreur médicale ?

Chronique d’une erreur médicale ?

Fin février, le Tribunal judiciaire d’Orléans a vu comparaître un médecin urgentiste, ancien intérimaire du CHRO, accusé d’homicide involontaire sur un patient de 31 ans décédé d'une hémorragie cérébrale après presque dix jours d'errance médicale. Dans cette affaire vieille de… plus de dix ans, le Parquet a pourtant requis la relaxe.
Gaëla Messerli
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Dans son costume bleu roi, il est seul à la barre. À 66 ans, ce docteur en médecine, qui exerce encore, est venu avec de nombreux témoignages de patients et employeurs dans sa besace. À l’époque où les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés, Christian* était remplaçant. Par choix, car c’était le seul moyen, pour lui, de participer en parallèle à des missions humanitaires. 

Navettes médicales

Le 28 septembre 2010, c’est sa première journée aux urgences d’Orléans. Ce jour-là, il examine Florian, un jardinier qui a commencé à avoir de « violents maux de tête » trois jours plus tôt, lors d’une réunion de famille. Lors de cette journée du 28 septembre 2010, Florian est allé consulter son médecin traitant, qui lui a délivré un courrier à destination des urgences, à qui il est demandé de faire « un scanner cérébral avec injection pour syndrome méningé et raideur de la nuque ». À l’Hôpital d’Orléans, le jeune homme est rapidement pris en charge par Christian. Si ce dernier ne constate pas la raideur de la nuque, il appelle le radiologue pour réaliser un scanner « afin d’éliminer l’hypothèse d’une tumeur ou d’un anévrisme ». Le radiologue répond : « je le ferai si le neurologue me le demande ». 

Le médecin urgentiste appelle alors le neurologue de garde, qui ne se déplace pas. « Il a dit, car je note tout : « scanner non nécessaire », explique Christian. Je lui ai quand même proposé de venir voir le patient ». Une prise de sang non concluante et une prescription d’antalgiques plus tard, Florian repart du CHRO à 17h30. « Je n’ai pas été convaincu de cette prise en charge, continue le médecin urgentiste. J’ai d’ailleurs dit au patient de consulter ailleurs si les douleurs persistaient. » Le 29 septembre, le jeune jardinier se rend ainsi aux urgences de Pithiviers, où deux ponctions lombaires « à l’allure hémorragique » lui seront faites, ainsi qu’un scanner, qui ne révélera rien. Il sera tout de même transféré et gardé en observation au service de maladies infectieuses du CHRO, car les médecins s’orientent alors vers une méningite virale non contagieuse. Le séjour du jeune homme est court : le 4 octobre, il assiste à des obsèques « en ayant du mal à tenir debout ». Le 9 octobre, sa mère le retrouve sans vie à son domicile. 

« Ni faute morale ni pénale » 

À la barre du Tribunal judiciaire d’Orléans, la mère du jeune homme s’insurge : « tout est parti de travers depuis le début ! Après sa première visite au CHRO, quand j’ai ramené Florian à la maison, il était en colère à cause des questions qu’on lui avait posées ; on voulait savoir s’il avait pris de la drogue et de l’alcool… » Un questionnaire qui a été pratiqué comme de coutume, répond Christian. Pour l’avocat de la famille de la victime, le rapport médical indiquait en outre « un tableau clinique quasi-caricatural. Il ne pouvait pas être commis d’erreur ! Un docteur en médecine doit pouvoir poser un diagnostic et imposer sa décision. Cela aurait sauvé le jeune Florian ! » L’avocat réclame un préjudice moral total de près de 95 000 €, répartis entre les différents membres de la famille de Florian. 

Dans cette affaire qui dure depuis onze ans et qui a vu cinq juges d’instruction se succéder, le Parquet requiert pourtant la relaxe après avoir déploré un temps de procédure trop long. « C’est un échec de notre institution », soupire la substitut de la procureure, pour qui le prévenu « n’a commis ni faute morale, ni faute pénale. » Pour elle, le lien de causalité entre l’absence de scanner le jour du passage aux urgences au CHRO et le décès n’est pas établi. « Il existe une incertitude, un doute qui doit profiter au prévenu. » Le délibéré est attendu le 23 mars à 13h30.

* Le prénom a été changé

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