Pourquoi partir si loin ? C’est à la fois le thème de l’exposition commune (L’Odyssée) présentée par Onie Jackson et Guillaume Garrié, et l’interrogation qui se pose quant au lieu de cette dernière (la Talk Gallery, à Saint-Ouen). Mise en abyme ? Même pas : si les deux peintres exposent à deux pas du périph’, c’est parce qu’il n’y a, selon eux, plus (assez) de lieux où le faire à Orléans. « On est une ville sans galerie, disent-ils. Qu’est-ce qu’on a encore ? La collégiale Saint-Pierre ? Ça doit être réservé 4 ans à l’avance… » Onie a certes exposé il y a quelques années au Théâtre, Garrié a fait le Mur des Carmes il y a un mois, mais, visiblement, le manque d’installations se fait sentir. Cela étant dit, les deux lascars ont atteint une légitimité sur le marché de l’art qui les a fait passer les frontières d’Orléans depuis pas mal de temps déjà.
Se mélanger les pinceaux
Depuis la fin avril, et jusqu’au 2 août 2021, ils causent donc à Saint-Ouen de L’Odyssée, un récit fondateur, maintes fois repris par les de grands peintres (Picasso, Chagall…), que les deux Orléanais ont à leur tour choisi de revisiter à leur façon. « Dans L’Odyssée, il y a plein d’histoires dans l’histoire », justifient les deux hommes, qui ont produit pour l’occasion gravures, sculptures et dessins, mais surtout une quinzaine de toiles. Clou du spectacle : une peinture à quatre mains, de quatre mètres sur deux. De quoi se mélanger les pinceaux ? « Ce n’est pas la première fois qu’on bosse ensemble, on vient tous les deux du graf où l’on faisait des fresques, on a l’habitude », jurent-ils, eux qui partagent à l’année un espace de travail, sorte de co-working à l’ancienne, sis à l’atelier d’artiste Oulan-Bator. Ça y sent la clope, le café et la peinture, mais aussi une ambiance de franche camaraderie et d’énergie brute. « On aime bien cette dynamique », insistent-ils, sans se prendre au sérieux ni vouloir passer pour inventeurs de génie. « On ne fait pas partie de ces artistes qui veulent faire table rase de tout », expriment-ils. D’où leur envie, d’ailleurs, de défricher ce mythe aussi rebattu que L’Odyssée, où l’on parle cependant d’à peu près toutes les choses essentielles de la vie, c’est-à-dire l’amour et la quête de soi.
Et eux, quand reviendront-ils ? Repartiront-ils distordre de leurs petits doigts d’autres pages de l’histoire de l’humanité ? « On ne va pas devenir les spécialistes de l’expo à thèmes ! », se marrent-ils. En attendant, les voilà partis siffloter sur un autre terrain, et pas n’importe lequel : celui de la bouteille de pinard. Heu là, n’y voyez ni dérive imbibée ni spécialisation dans le domaine, mais de Domaine, justement, il en est question à travers cette commande un peu particulière qui leur a été faite par un collectionneur propriétaire de quelques vignes : celui-ci leur a demandé d’enrober ses bouteilles de quelques inspirations de leur choix. « C’était carte blanche, rigolent les deux zigues. Ça permet de partir dans tous les sens ! ». A vrai dire, ils ont déjà dans la tête d’autres bonnes idées pour faire découvrir leurs talents, mais chut, ça c’est un secret, sauf que cela pourrait être un peu moins loin qu’à Saint-Ouen.
