De retour de la Conférence des évêques qui s’est tenue à Lourdes début novembre, Mgr Jordy, l’évêque de Tours, a une nouvelle fois tenu à s’exprimer devant la presse pour réaffirmer que l’Église assumera ses responsabilités dans la reconnaissance et la réparation due aux victimes d’abus sexuels révélés par le rapport Sauvé. Une façon aussi de rassurer les fidèles tourangeaux : tout est mis en œuvre pour que cela ne se produise pas en Touraine, par ailleurs très peu touchée par de tels actes
«On ne peut plus finasser ! » S’il fallait résumer en une phrase cette conférence ayant rassemblé les quelque 110 évêques de France pendant une semaine à Lourdes début novembre, ce pourrait être celle-là : l’Église ne peut pas se cacher derrière son petit doigt pour faire face aux conséquences du rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels) présidée par le magistrat Jean-Marc Sauvé CIASE et publié le 5 octobre révélant l’ampleur des crimes sexuels au sein de l’Église catholique. « Il y a eu des mots, il y a des gestes et il y aura des actes » a ainsi martelé Vincent Jordy, l’évêque de Tours qui assume au nom de l’institution, les décisions prises à Lourdes.
Après les excuses officielles, l’Église reconnaît le statut des victimes et donc leur droit à bénéficier d’une indemnisation qui sera organisée par une instance créée à cet effet, l’INIRR (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation). Combien de victimes se manifesteront ? Et quelles sommes seront nécessaires pour les indemniser ? Impossible à dire tant qu’il n’y a pas de barème établi. Et ce d’autant plus qu’on ne peut pas prévoir combien de victimes revendiqueront cette indemnisation. Pour réunir les sommes nécessaires à la création d’un fonds d’indemnisation, il est éventuellement envisagé de vendre des biens ecclésiastiques, mais il n’a pas été demandé aux diocèses de recenser les biens qui pourraient être vendus en cas de besoin. « C’est de toute façon très compliqué de vendre la plupart des biens car certains sont des donations incessibles, d’autres n’appartiennent pas à l’Église mais nous avons l’usufruit, la vente est une solution mais difficile à mettre en œuvre », précise Mgr Jordy. L’Église privilégierait d’ailleurs la solution d’un emprunt à long terme qui aurait l’avantage de débloquer des liquidités rapidement pour répondre aux premières demandes d’indemnisation. En revanche l’Église ne fera pas appel officiellement aux dons des fidèles pour alimenter ce fonds d’indemnisation. Mais si certains veulent donner, on ne les en dissuadera pas…
Chiffrer les besoins aujourd’hui est donc prématuré : entre les 315 000 victimes potentielles recensées par la CIASE et les 7 000 affaires traitées par la justice, il est effectivement difficile d’évaluer le nombre de victimes qui demanderont à être indemnisés.
Combien de victimes à indemniser ?
Au-delà de cet aspect, la Conférence des évêques a aussi acté tout un faisceau de mesures pour accompagner les différents acteurs de la foi (le clergé ben sûr, mais aussi les laïcs, les fidèles et les jeunes) afin que ces crimes ne se reproduisent plus et que la pédocriminalité disparaisse de l’Église.
Très loquace, Mgr Jordy a raconté par le menu ces 7 jours au cours desquels les responsables de l’Église catholique ont débattu de ce qu’il fallait faire pour être à la hauteur des attentes suscitées suite à la publication du rapport de la CIASE. Mais il aussi évoqué la colère ou la lassitude de ses collègues et leurs états d’-me. « En Touraine, nous sommes relativement épargnés, mais certains collègues sont épuisés car ils ont à faire à des situation difficiles, il fallait aussi se confier, se soutenir… »
Le diocèse de Tours est effectivement épargné puisqu’on on recense « seulement » une douzaine de témoignages de victimes dont les trois derniers survenus depuis la publication de la CIASE début octobre et qui portent sur des actes anciens commis en dehors de la Touraine sur des personnes qui y vivent aujourd’hui. Une cellule d’écoute avec des psychologues est d’ailleurs déjà opérationnelle en Touraine. Et si des faits graves sont signalés, un contact est établi avec le parquet pour que la justice soit saisie. Des groupes de paroles pourront aussi être organisés si les fidèles le demandent. Quant à la confession, elle relève du secret professionnel et aucun religieux n’est tenu de révéler la teneur d’une confession. Mais il doit inviter la victime à se tourner vers la cellule d’écoute si besoin pour révéler un abus. En revanche, en ce qui concerne les « prédateurs », il ne fait aucun doute pour Mgr Jordy qu’ils relèvent de la justice de la République car « ce sont des citoyens comme les autres ». Mais cela ne doit pas empêcher l’Église de pouvoir aussi les juger et les sanctionner au titre de leur ministère pour protéger l’institution.
Au-delà des aspects judiciaires, les mesures décidées par la Conférence de Lourdes et relayées par le diocèse de Tours ont aussi pour but de rassurer les fidèles dont certains pourraient tourner le dos à l’Église si celle-ci ne réagissait pas et ne mettait pas tout en œuvre pour empêcher des tels crimes en son sein. Lors de sa conférence de presse Mgr Jordy était d’ailleurs accompagné du père Christophe Raimbault, son vicaire général, mais aussi de Rachelle Le Maguéresse, responsable diocésaine à la jeunesse, et de Bernard Le Floch, directeur diocésain de l’enseignement catholique en Indre-et-Loire. L’union parfaite : toutes les institutions catholiques se serrent les coudes et sont au diapason car il s’agit de rassurer les ouailles et de faire en sorte que tout le monde retrouve le (droit) chemin de l’église. Avec un petit é cette fois….