Malgré une reprise soutenue l’an passé, à la fois des ventes et des mises en chantier, la production commence à marquer le pas
et pourrait même se dégrader si la hausse continue des prix des matériaux persiste.
Jusqu’ici tout va bien… » On pourrait ainsi résumer l’état du marché de la construction et de la promotion immobilière en se fondant sur le dernier baromètre d’Ocelor (Observatoire du logement neuf en région Centre-Val de Loire)*. Après une année 2021 marquée par une forte reprise tant des chantiers que des ventes, le 1er trimestre 2022 affiche aussi des résultats solides. Ainsi, sur l’ensemble de la région, on a noté un fort rebond des autorisations (ou permis de construire accordés) l’an passé, avec un bond de + 53 % au total pour 16 700 logements autorisés. Ce rebond concerne principalement les programmes collectifs qui voient bondir les autorisations de 4 300 à 8 200 unités sur un an, soit + 91 % ! Mais les résidences individuelles ne sont pas en reste, avec 1 500 autorisations supplémentaires sur un an (+ 31 %).
Météo au beau fixe donc. Pourtant quand on regarde le deuxième indicateur, à savoir les logements mis en chantier ou les constructions commencées, l’horizon de la construction n’est pas aussi dégagé. Il y a en effet un différentiel important entre le nombre de logements autorisés (+ 53 %) et le nombre de mises en chantier qui ne grimpe que de 22 %, soit 700 maisons individuelles et 1 800 logements collectifs pour 2021.
Le coût des matériaux explose
Peut-on y voir les premiers signes d’un ralentissement de l’activité ? Le président d’Ocelor, Olivier Henry, reste prudent : « Le premier trimestre reste positif mais nous sommes vigilants car il y a plusieurs facteurs qui s’il se conjuguent pourraient donner un coup de frein sur l’activité. Par exemple, c’est la première fois que nous assistons à ce phénomène : les promoteurs commencent d’abord par passer les appels d’offres pour sécuriser leurs coûts de revient auprès de leurs fournisseurs car les prix évoluent tellement rapidement que nous ne sommes pas à l’abri d’une inflation des coûts le temps du chantier. D’habitude, on peut lancer la commercialisation avant d’avoir le coût précis de l’opération car on sait évaluer le coût du programme en amont avant même d’avoir des devis précis, ce n’est plus le cas aujourd’hui… On le voit bien avec le nombre de logements mis en chantier, la capacité de production commence à baisser car il peut y avoir une forme d’attentisme chez certains promoteurs par crainte que leur opération ne soit pas rentable… »
L’inflation des coûts des matériaux – qui se situe entre 20 à 40 % en moyenne – pourrait donc changer la donne à terme. « Il faut attendre encore un ou deux trimestres pour voir quelle sera la tendance lourde, précise Olivier Henry. Mais nous devons déjà absorber la hausse liée à la nouvelle norme RE 2020 qu’on évalue à 8 %. Si on ajoute le coût des matières premières, cela va poser problème. Si les coûts grimpent trop, on ne pourra pas les répercuter intégralement, au risque de proposer des programmes trop chers à la vente, ce qui serait contre-productif pour tout le monde si les logements ne trouvaient pas preneur, cela pourrait mettre aussi des promoteurs en difficulté. Comme je le dis souvent : “Il vaut mieux ne pas faire que de faire à perte”, car ce sont nos marges et donc nos entreprises qui seraient en péril. »
« Ne pas faire » ne serait pas non plus une bonne nouvelle pour le marché car les prix sont déjà tellement élevés que s’ils devaient encore continuer à croître, cela pourrait aussi plomber le marché du neuf. Et la France a besoin de 500 000 logements neufs par an, 400 000 pour faire face à l’accroissement de la population, 100 000 supplémentaires pour rattraper le retard des deux dernières décennies. En construire moins alors qu’en 2021 on a à peine atteint la barre des 380 000 unités ne serait sûrement pas la bonne solution.