À Orléans, peu connaissent le Logis de Camille®. Depuis trois ans, cet endroit, situé dans le quartier des Beaumonts, fait pourtant vivre un concept intéressant : porté par l’association « La Sainte Famille », il accueille en effet dans un même espace plusieurs entités dont on pourrait, à première vue, se demander comment elles peuvent bien cohabiter…
Une petite unité de vie – baptisée « Jéricho » – héberge d’abord 24 résidents âgés de 60 ans et plus. Il y a même, en son sein, deux centenaires ! Au dernier étage, une maison des Compagnons du Devoir et du Tour de France offre une solution d’hébergement à une vingtaine de jeunes apprentis, âgés pour leur part d’entre 15 et 28 ans. Un centre de rééducation professionnelle et de pré-orientation (le COS Les Rhuets), qui forme des personnes orientées par la MDPH, a lui aussi intégré les murs. Plus surprenant encore, des personnes souffrant de troubles bipolaires sont également accueillis au centre « La Boussole » (voir plus loin). S’ajoute à cela un centre de ressources destiné aux personnes fragiles ou isolées vivant à domicile, afin de « faciliter le lien entre l’usager et les différents professionnels intervenant auprès de lui ». Le point commun entre tous ces publics ? Ils sont « fragiles ». Même les Compagnons ? « Oui, car généralement, c’est la première fois que ces jeunes quittent leur foyer familial, répond-on. Ici, on leur offre un univers « sécure » et « cocooning ». »
Ensemble, c’est mieux
Responsable du Logis de Camille®, Anne Aberkane ne ménage pas sa peine en cette année 2020 complexe. Par chance, avant le reconfinement, elle n’avait eu à déplorer aucun cas de Covid parmi ses résidents. D’ailleurs, pour rentrer dans l’établissement, tout public extérieur doit se désinfecter les mains et inscrire sur un registre l’heure de son arrivée. Les visites sont encore autorisées, mais leur nombre ne doit pas être supérieur à deux par chambre. « Même s’ils sont très confiants dans notre gestion, les résidents restent inquiets, explique Anne Aberkane. Nous, on travaille toujours de la même façon, mais avec quand même cette idée de la Covid derrière la tête. »
Forcément, depuis mars dernier, les choses ont un peu changé rue de la Liberté, où est localisé le Logis de Camille®. Le petit bistrot-café autogéré où les résidents avaient jusque-là l’habitude de se retrouver a été fermé. « Il y a moins de spontanéité dans nos projets et nos envies de faire », reconnaît Anne Aberkane. Les échanges sont aussi moins nombreux, alors qu’ils font la particularité de l’endroit. « Nous sommes vraiment un lieu de vie, affirme d’ailleurs la responsable du site. Nous sommes tous très différents et nous nous acceptons tous avec nos fragilités. En temps normal, nous prenons tous nos repas ensemble ; cela permet de beaux échanges et une entraide naturelle. Par exemple, cela oblige les personnes âgées à parler. Je pense que ce concept, c’est l’avenir. En règle générale, on sectorise trop. Il faut s’ouvrir à la mixité. » Si tant est qu’il y en ait besoin, un autre compagnon – à quatre pattes celui-là – fait le lien entre les êtres : labrador de son état, labellisé « Handi-chien », Ostin promène sa truffe et sa bonne humeur auprès des résidents.
« Une vie de maison »
Véritable activité novatrice, « La Boussole » est l’autre particularité du Logis de Camille®,, une structure non médicalisée accueillant en journée des personnes ayant des troubles psychiques, notamment bipolaires, ainsi que leurs proches. Mais, précise Anne Aberkane, les personnes qui y sont accueillies sont « équilibrées dans leurs traitements. Elles vivent cependant des moments très difficiles et ont besoin de se retrouver ensemble. Alors nous formons des groupes d’écoute et de parole pour les aidés et les aidants. Nous aidons aussi dans les problématiques de recherche d’emploi et différentes activités leur sont proposées : du jardinage, des petits travaux, etc. » C’est d’ailleurs ce public qui gère le petit café-bistrot du Logis de Camille®, évoqué un peu plus haut. Évidemment, cette structure poursuit un objectif : favoriser délicatement le lien social et la réinsertion, tout en prévenant les ré-réhospitalisations en psychiatrie.
« Ici, c’est une vie de maison, conclut Anne Aberkane. Notre fil conducteur, c’est prendre soin d’accompagner. La bienveillance reste notre moteur. » Une dizaine de professionnels de l’association « La Sainte Famille » font vivre au jour le jour cet endroit qui semble rompre avec les clichés habituels de la maison de retraite habituelle. Évidemment, on n’échappe pas à certaines scènes incongrues, quand une résidente, à son balcon, nous raccompagne en chantant Promenons-nous dans les bois… Mais en vérité, il apparaît que lorsqu’elle n’est pas cadenassée entre quatre murs hermétiques, la vieillesse peut effectivement ne pas être un naufrage.