Dans une église Saint-Dominique de Saint-Jean-de-la-Ruelle bien remplie, Alice Casagrande, membre catholique de la CIASE, a résumé jeudi dernier le récent rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église. Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, et Karl-Aymeric de Christen, vicaire général, étaient présents. Quatre victimes ont témoigné lors de ce temps d’échange et d’écoute : « Nous avons été empêchés d’être, ont-elles déclaré. La parole peut libérer, mais elle peut aussi mettre mal à l’aise». Alice Casagrande observe : « on est face à une forme d’euphémisation, parfois aussi face à un phénomène de rejet. En parler peut être considéré comme de la déloyauté… »
Cette soirée stéoruellane a en outre permis de revenir sur les chiffres, notamment ceux du diocèse d’Orléans, où 37 personnes ont été mises en cause pour des agressions sexuelles ou maltraitances, dont 27 prêtres. Une enquête (une vingtaine d’auditions) a également été réalisée auprès des prêtres et séminaristes dans le cadre du rapport qui a été rendu public dans le Loiret. « Il y a eu un drame, un suicide… J’ai vu des gens blessés, une division parmi les fidèles et une difficulté à parler », a résumé Alice Casagrande, membre de la CIASE aujourd’hui invitée dans des paroisses et diocèses français pour analyser ce rapport.
Écoute et prévention
Mais au-delà du rapport en lui-même, le diocèse d’Orléans a également voulu (re)présenter ses actions, et notamment sa cellule d’écoute des victimes, la première mise en place en France. Composée de six personnes dont quatre écoutants (médecin, psychanalyste…), elle a dénombré 109 contacts, téléphoniques, par mail ou lettres. « Chaque contact a fait l’objet d’un dossier, explique Pierre Hemeray, le coordinateur de cette cellule. Nous étions les premiers et avons eu des appels d’autres diocèses. Nous avons aussi des parents qui ont appelé car, pour des victimes, c’était parfois impossible de témoigner. On nous a également transmis une vingtaine de noms de personnes victimes. »
Le diocèse d’Orléans a aussi rappelé l’existence du service « Protection Éducation et Prévention », animé par Véronique Garnier, ancienne victime auditionnée par la CIASE, qui était présente à Lourdes lors de la dernière Conférence des Évêques de France. « Il faut repérer les lieux à risque, comme les petits séminaires, le noviciat, les camps et les pèlerinages, et il faut sensibiliser les familles », a rappelé la coordinatrice de ce service qui forme les laïcs s’engageant auprès des jeunes. Les représentants du diocèse sont aussi revenus sur le protocole mis en place avec les Parquets du Loiret, mais aussi sur son partenariat avec l’association d’Aide aux Victimes du Loiret, qui assiste les victimes et leur propose des groupes de parole. L’association a d’ailleurs mis en place, spécifiquement pour le diocèse d’Orléans, un outil criminologique d’aide à la décision permettant d’évaluer le risque, le contexte, la situation… Une première en France, qui semble intéresser d’autres diocèses.
Un regard extérieur
Cette soirée était présentée comme « un point d’étape ». « Nous avons eu le tort de vouloir gérer par nous-mêmes, ont reconnu les représentants de l’Église dans le Loiret. Nous faisons appel désormais à des personnes extérieures. Cela montre notre détermination pour lutter contre la pédocriminalité. Nous souhaitons également aller plus en amont en associant protection, éducation et prévention à travers une politique globale de la bientraitance par rapport aux jeunes. » « Près de 5,5 millions de personnes dans la société ont subi des agressions sexuelles pendant leur minorité, c’est l’un des autres amers enseignements de la CIASE », a souligné Alice Casagrande. « Le rapport de la CIASE nécessite un changement », a conclu Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, rappelant l’appel du pape François à la synodalité qui concerne chaque baptisé.
Plus d’infos
Pour les victimes : cellule d’écoute du diocèse 06 42 08 26 03 ou ecoutedesblessures@gmail.com
Association des victimes du Loire : avl45.fr - 02 38 62 31 62.